La poésie

La Tribune, Arts

Ève Bonin — Dimanche, 14 août 2016

L'appel de la poésie entendu

Photo : MarieLou Béland

PLus de 700 personnes ont participé à la Grande nuit de la poésie de Saint-Venant-de-Paquette pour entendre entre autres Chloé Sainte-Marie.
Photo : Spectre Média, Marie-Lou Béland

(Saint-Venant-de-Paquette) À ceux qui croyaient que la poésie est hermétique et que la pluie fait fuir le monde, soyez rassurés : malgré le temps maussade, artistes et public ont composé une foule impressionnante et enthousiaste pour célébrer la magie des mots à la Grande nuit de la poésie de Saint-Venant-de-Paquette samedi dernier.

Sur le parvis de l'église, un bénévole confiait qu'en se levant samedi matin, le coorganisateur de l'événement Richard Séguin avait accepté avec philosophie les prévisions désespérantes de la météo. « Il s'est dit qu'on allait quand même vivre un événement important, avec tous les artistes réunis ici ». Arrivant sur le site dès 15 h et forçant l'organisation (impeccable) à ouvrir graduellement toutes les aires de camping et de stationnement disponibles, le public a pourtant atteint plus de 700 personnes au plus fort de la nuit.

L'église du village de 111 âmes était pleine jusqu'au jubé vers 22 h et les amoureux de la poésie de tout genre s'entassaient par terre dans l'allée centrale pour le spectacle de Chloé Sainte-Marie, qui aurait eu lieu sous le grand chapiteau, n'eût été de la pluie. Le ciel en a décidé autrement et la performance de l'une des plus ardentes interprètes de la poésie québécoise a pris des airs de communion poétique avec un public des plus hétéroclites en ce lieu chargé de symbolisme.

Sobrement appuyée par son guitariste et un quatuor vocal, elle a laissé toute la place aux mots, entre autres ceux de Jean-Paul Daoust, en livrant avec humour vers la fin du spectacle son délirant poème en latin. La poésie transcendait toutes les barrières dans la nuit de samedi à dimanche à Saint-Venant, même celles de la langue et des tabous religieux...

« Il y a une dimension intérieure, je dirais même spirituelle, qui est attachée à la vision des poètes », confiait Raôul Duguay, un habitué des happenings poétiques. « Ce qui est extraordinaire dans une nuit de la poésie, c'est que t'as des gens qui regardent les choses d'une manière tellement différente. On élargit notre regard sur les choses et le monde en passant par l'oeil du poète et de la poétesse. »

Alors que Chloé Sainte-Marie laissait les mots lui prendre au corps dans l'église, la parole était au public pour un micro ouvert animé par Jocelyn Thouin à la Maison de l'arbre. À la porte de la petite salle, elle aussi pleine à craquer, Richard Séguin était visiblement ravi par la tournure des choses. « On a vraiment l'impression d'être à la première édition d'un grand événement. »

Toute la nuit, artistes professionnels et public allaient ainsi se croiser et se partager la parole en trois lieux différents. « La participation du public a été immense. On est allés d'heureux étonnement en heureux étonnement. On a manqué d'eau potable, de bière, de nourriture, mais pas de place pour accueillir les gens ni de poésie » confiait David Goudreault, porte-parole et coorganisateur de la Grande nuit de la poésie, au lendemain de l'événement. Une cinquantaine de personnes ont traversé la nuit entière, jusqu'au déjeuner des braves animé à 8 heures par Normand Baillargeon, qui a fait salle comble lui aussi.

« De nombreux artistes ont insisté pour participer à la prochaine édition » mentionne David Goudreault. « On laisse retomber la poussière d'étoile avant de planifier la suite ». Les organisateurs sont en réflexion à savoir si l'événement reviendra l'an prochain ou s'il reprendra le rythme bisannuel des premières nuits de la poésie de Saint-Venant. « Ça pourrait aussi être jamais... Je crains presque qu'on peine à atteindre une autre fois un moment aussi exceptionnel. »

Richard Séguin

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